Saint-Jean-Port-Joli, le 8 janvier 2018
Madame Marie Montpetit
Ministre de la Culture et des Communications du Québec
Je cherche à savoir, à comprendre le comment et le pourquoi des changements qui s’opèrent dans le programme de l’intégration des arts à l’architecture. Je suis un de ces artistes, qui a réalisé plusieurs œuvres par le biais de ce programme et j’ai été consultant au moment d’adapter ce projet aux réalités contemporaines en mille neuf cent quatre-vingt avec Pierre Granche et Jacques Cleary.
Délégation de la politique d’intégration des arts offert à deux villes, actuellement la ville de Québec a accepté cette entente, la ville de Montréal n’aurait pas encore admis ce protocole.
Plusieurs artistes comme moi, se questionnent sur le comment et le pourquoi de cette action cogitée par les autorités, sans aucune consultation des milieux représentatifs en art. Si on permet de morceler en partie ou en entier ce projet d’art public, qui au début permettait d’inonder les digues territoriales du Québec par un programme original à deux volets qui respectait en même temps le caractère régional et l’universalité dans l’art contemporain, il est probable que cette nouvelle déviance entraîne des régions à revendiquer eux aussi une identité régionale.
Serait-ce le début d’actions politiques centralisatrices mise de l’avant par ignorance des fondements même de l’art?
Actuellement, le gouvernement a mis de l’avant une politique de valorisation compartimentée par régions qui consiste à transmettre certains pouvoirs aux gouvernances régionales; initiatives conçues autour de méthodes pragmatiques qui organisent les secteurs économique et social et qui ne sont pas adaptées aux aventures théoriques des fondements même de l’art. Même si des œuvres sont installées en région, chacune d’entre elles doit tendre à l’universalité du sens. Et je cite ici une réflexion de Deleuze :
L’œuvre d’art n’est pas un instrument de communication.
L’œuvre d’art n’a rien à faire avec la communication.
L’œuvre d’art ne contient strictement pas la moindre information.
Il existe une affinité fondamentale entre l’œuvre d’art et la résistance.Les gestionnaires de la ville de Québec possèdent actuellement le pouvoir de décider par delà le programme établi du 1%, et de choisir les membres des comités de sélection, en plus de refuser le choix d’une œuvre sélectionnée pour imposer le choix de la direction, sans compétence aucune; anarchie.
J’ai échangé avec le responsable du comité d’art de la ville et il m’a informé qu’ils ont subi des pressions de la part de groupes d’artistes qui ont vu leur dossier refusé par les comités d’art public. Ces comités de spécialistes sélectionnés pour leurs compétences spécifiques originales proposent des choix éclairés qu’offrent les aventures actuelles en art.
Je me demande quelles sont les motivations réelles qui conduisent à mettre en berne un programme qui fonctionne avec compétence pour en confier l’exercice à des intérêts ignorants.
Je voudrais ajouter que cette déviance pratiquée par les gestionnaires de la ville de Québec qui consiste à rejeter le choix légitime des œuvres par les pairs est courante depuis déjà quelques années.
Le gouvernement a offert à deux villes, Québec comme capitale et Montréal comme métropole, la possibilité d’intervenir pour ne pas oser dire de s’accaparer d’une partie de l’exercice de l’art public. Québec est actuellement et légalement accrédité pour opérer dans son giron, et ce en utilisant des fonds votés pour l’art public au niveau de l’entièreté du territoire du Québec.
Ce grand projet de l’art en public si utile et efficace pour la poésie de tous les mondes dans les grands Centres comme dans les régions éloignées, traduisait jusqu’à maintenant des intentions d’égalité entre tous les genres de société et témoignait d’une volonté de participer à une sensibilité d’un niveau comparable à l’échelle de l’évolution planétaire.
Ce programme d’art exportait la poésie en véhiculant des sensibilités en dehors des murs des institutions, légitimait le travail des artistes au même niveau que les professionnels tels que les ingénieurs, les architectes etc., et principalement ouvrait le champ des espaces culturels dans l’entièreté du pays, comme identités à la fois semblables et différentes, des centres vers les régions et des régions vers les grands centres .
Dans les années 1980, un groupe d’individus de la Beauce désiraient rapatrier le programme du 1% pour leur petite région. La ministre de la Culture Frulla a alors contacté le responsable Laurent Bouchard pour empêcher le Conseil des Ministres du temps de donner suite à cette initiative. Bouchard m’a avisé du danger et demandé de faire vite, j’ai sollicité quelques artistes (3) et nous avons, d’un commun accord, demandé à la Ministre d’endiguer cette initiative pour les mêmes raisons légitimes que je défends actuellement. Elle a à ce moment, mis un moratoire sur cette initiative.
Je vous demande en mon nom et aux noms de plusieurs artistes du Québec-Territoire, de reproduire ce geste protecteur dans le sens de l’intégrité si nécessaire à l’art, en émettant un moratoire sur cette aventure illégitime.
Je mets toute ma confiance en vous pour agir sur ce dossier en protégeant les artistes et la population qui pourront encore participer au plus haut niveau de poésie que représente l’art public et ce, invariablement, sur tous les territoires du Québec.
Merci de votre aide, Pierre Bourgault